Allez, ceci est semi-hors-sujet, mais c’est juste pour bien démarrer :
Bon, sinon, plus proche de notre thème : "Con el coyote, no hay aduana" chantait aussi Manu... (Manu, t’es où ? Qu’est ce que tu deviens ? On ne t’entend plus beaucoup....)
Grand bien te fasse, Coyote, car, par contre avec tout cidrier, il y a douane...
On est le 10 du mois, et c’est un bon jour pour faire paraître cet article. Vous comprendrez pourquoi si vous trouvez le courage de le lire en entier. Ça va être dur ?... Oui, je comprends.
Un article d’une neutralité helvétique.
Un article (qui se veut) pédagogique.
Un article qui permettra juste de mettre en lumière peut-être une des faces les plus cachées de notre métier, voire inconnue (parce que, pas très intéressante, enfin, non enfin je veux dire, heu, moins motivante que la production par exemple, enfin, attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, ah non, hein, j’avais dit "neutre" l’article... ).
Bon enfin, ça fait partie de notre métier, qu’on le veuille ou non, (neutre, neutre) car oui, effectivement, à fortiori euuuuh, on peut dire que, euuuuh c’est, disons, disons que c’est un métier où effectivement on a des possibilités, et que, euuuuh et que je...., je pense que euuuuuh.... c’est... c’est.... c’est un métier, quoi...
Et je crois que, a fortiori, on est du même avis que Jean-Pierre.
Les faits, les faits, viens-en aux faits !
Mais explique-nous, qu’est ce que la Douane, les douanes, viennent faire au milieu des pommes, des cuves et des vergers ?? Je ne comprends pas !
Vous avez dit : "Douane" ?
C’est vrai que quand on dit "Douane", on pense tout de suite d’abord : trafic de drogue, opérations musclées, saisies, arrestations, fourgons, uniformes, chiens, armes à feu... puis ensuite : commerce containers, ports, aéroports, droits de douanes... Ah ?! tiens ! Continuez, continuez, on se rapproche du sujet petit à petit.
*au passage, je me demande avec quelles photos illustrer un article sur les douanes ?... Je vais peut-être tenter des trucs... Sur le thème de l’administration et du bureau ?... On verra... Vous ne m’en voudrez pas ?...
Si vous allez sur le site internet de la Douane.gouv.fr (si, si allez y au moins une fois dans votre vie, pour ce que l’on pourrait appeler : "l’expérience douane"), vous apprendrez que la dénomination exacte de ce que l’on appelle communément "la douane", c’est : "Douanes et Droits Indirects", et que, rattachée au Ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects (DGDDI) est en prise avec les enjeux contemporains : accélération des échanges commerciaux, nouvelles technologies, nouvelles menaces.
Bon, je ne pense pas que le cidre soit encore rangé dans la catégorie "nouvelles menaces" (enfin remarque que, des fois le lambig de Pépé, on aurait pu le ranger dans la catégorie "ancienne menace"... Mais c’est un autre débat qui n’a de toute façon pas sa place dans un article sérieux (et neutre) comme celui-ci).
En fait, vous l’aurez compris dans "DGDDI" nous autres, cidriers, on est plutôt concernés par le "DI", qui veut dire "Droits Indirects".
Le dernier point de cette page du site internet de la DGDDI (j’allais dire "la Douane", mais soyons précis) nous apprend en effet que la douane a une mission de :
- Régulation des secteurs spécifiques :
- Elle assure la régulation des secteurs spécifiques des contributions indirectes et de la viticulture en sécurisant la production et la circulation de leurs produits.
Car je vous le dis, mes frères, oui, nous sommes un "secteur spécifique" !
"D’aucuns régulent des secteurs spécifiques,... NOUS sommes un secteur spécifique..." (Citation un peu adaptée ; d’après OSS 117 - Rio ne répond plus)
En tant que secteur spécifique, donc, nous nous faisons bien réguler par les douanes... Et droits indirects...
Vous pourrez lire aussi avec attention l’Histoire de la Douane française, qui dès le chapitre sur l’antiquité commence en ces termes :
« Dès la plus haute antiquité, on assiste à une régulation des échanges de marchandises. Le prélèvement d’impôts constitue une source de financement pour les caisses publiques. »
La mission principale de la DGDDI (on va s’y habituer, même si le sigle fait aussi "blaze de gangsta-Rap" , je trouve... (prononcer : "Digididi-Aïe", du coup...)), c’est donc de prélever des impôts sur les marchandises, et de par le fait, de lutter contre les trafics qui passeraient au travers des mailles du filet. N’oublions pas que la Douane, mince pardon, la "Digididi-Aïe MC", est quand même rattachée au Ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique....
Alors, bon, pour la souveraineté industrielle et numérique, je ne sais pas trop... Tenez, hier encore, j’ai brièvement chatté avec un macareux sur le site de la LPO, ben c’était pas "top-souveraineté" comme échange numérique... (voire fig.1), mais bon, pour ce qui est de l’économie et des finances, là, c’est vrai qu’on contribue.
Une histoire / une Histoire de taxes
En France (ailleurs aussi, sans doute, mais ça après, pour le détail, ailleurs, je ne sais pas), les boissons alcoolisées sont soumises à des droits et taxes divers. En ce qui concerne les boissons alcooliques, les droits indirects (ou droits d’accise) et la cotisation de sécurité sociale varient selon le type de produits. Ces produits alcooliques sont, par ailleurs, soumis à la TVA au taux de 20 %.
Source : https://www.demarches.interieur.gouv.fr/professionnels/taxation-boissons
Éclairons et passons déjà ce dernier point :
- Tout produit agricole est de base normalement taxé par une TVA à 5,5%... (pour nous : jus de pommes, confit de cidre, vinaigre de cidre, par exemple)
- Mais tout ce qui est alcoolisé est taxé par une TVA à 20% (tout le reste !)
- Et comme je suis un mec neutre, ne comptez pas sur moi pour ouvrir le débat sur le thème : "la TVA n’est-elle pas un impôt injuste ?" (Je garde ça pour une soirée qui commencerait à retomber un peu au niveau ambiance...)
Pour nous concentrer sur le point qui nous concerne, nous, secteur spécifique :
Les "droits indirects" ou "droits d’accise"
Si l’on en croit Mme Pédia ("Wiki" de son prénom) (qui est quand même un peu plus au niveau que Cyber-Piaf, le macareux de la LPO), le Droit d’accise (prononcer "Axize") est "un impôt indirect perçu sur la consommation, parfois aussi le seul commerce de certains produits, en particulier le tabac, l’alcool et le pétrole et ses dérivés".
Et, un "impôt indirect", c’est un impôt collecté par une autre personne que celle qui le récupère. La personne intermédiaire (une entreprise en règle générale) qui paie l’impôt à l’État répercute donc tout ou une partie du montant de l’impôt sur le prix de vente au consommateur. C’est donc un impôt indirect pour le consommateur final
Donc, en gros en tant que secteur spécifique, on sert de collecteur d’impôt auprès de vous pour la Digididi-aïe (and I... "I & I, Jah Rastafari !"...), et pour l’État...
Neutre, j’ai dit.
Et les droits d’accise sur l’alcool, en plus de la TVA déjà appliquée dessus, c’est une bonne source de rentrées pour les caisses de l’État (estimée à presque 8 milliards d’euros par an (sur environ 300 milliard d’euros de budget prévisionnel 2023, soit 2,66% du budget). Ça y est, cet article devient chiant... Chiant à écrire, déjà... Alors, à lire...
Les droits d’accise sur l’alcool varient selon la "catégorie fiscale" du produit. Pour nous, il y a trois catégories de produits :
Produit | droits d’accise (2023) |
Cidres | 1,39€/hl |
Etredaou - Pommeau de Bretagne AOC | 198,91 €/hl |
Lambig de Bretagne AOC et Blanche | 1 834,42 €/hlap* |
Cotisation "Sécurité Sociale" - Alcools titrant plus de 18 % vol | 589,00€/hlap* |
* hlap : Hectolitre d’Alcool pur.
C’est la façon qu’a la Digididi-Aïe (DGDDI), et nous aussi, de par le fait, d’exprimer les volumes d’alcool sur des eaux de vie "brutes", stockées (avant mise en bouteilles). Le degré de l’eau de vie variant d’un lot à l’autre à la sortie de l’alambic (il dépend du degré du cidre distillé... Et oui, forcément !), mais aussi durant son vieillissement "sous bois", en futs de chêne (le degré diminue au fur et à mesure du vieillissement. On perd en moyenne un degré d’alcool par an, et on perd aussi en volume (la fameuse part des anges !...), mais c’est une autre histoire.).
Un petit exemple valant mieux qu’un long discours (ah, merci de le reconnaître, faudrait voir à traduire ton blog en petits exemples, alors, parce que là, bon, l’ambiance c’est quand même plutôt "longs discours"...) :
- Je récupère après distillation 567L (5,67hl) de Lambig de Bretagne AOC à 71.8% alc/vol
- Pour exprimer mon volume en hlap, c’est simple : (5,67x71,8) / 100 = 4,07106 hlap
Le tout après, c’est de ne pas se gourer dans les conversions. (Ça sent le vécu, hein ?...)
Parce que quand dans le même tableau, tu as des volumes exprimés en litres, en hectolitres, et en hectolitres d’alcool pur, tu te compliques volontairement la vie et "t’auto-tends" toi-même des pièges... On y reviendra... Mais un peu plus tard, là je ne suis pas encore prêt.
Revenons sur le tableau, si vous le voulez bien. Vous le voulez bien ? Oui ? Bon.
Vous voyez que les droits d’accise sont variables selon la "catégorie fiscale" des produits. Le cidre, ça va, ce n’est pas trop taxé, 1,39€/hl, ça reste une taxe, mais bon, si on ramène ça à la bouteille ça nous donne quelquechose du genre :
- 1,39/100*0,75 = 0,010425€ , soit environ 1 centime d’euro par bouteille (plutôt mourir que dire "euro-cents" à l’anglaise)
Pour l’Etredaou, Pommeau de Bretagne AOC, le taux d’alcool augmentant (17%alc./vol) ça commence à douiller un peu plus... Ramenons tout ça aussi à la bouteille :
- 198,91/100*0,70 = 1,39237 soit environ 1,40€ par bouteille.
Et pour le Lambig de Bretagne AOC (et la Blanche), là ça devient chaud, parce qu’il est soumis à deux taxes ; la première sur l’alcool, comme les autres et la seconde "cotisation sécurité sociale" venant s’additionner à la première.
Là, les taxes sont exprimées par hlap, donc le calcul s’annonce plus chaud aussi, mais bon comme ça reste du niveau collège quand même, ça va, je ne me trompe qu’une fois sur deux.
Prenons l’exemple pour une bouteille de Lambig de Bretagne AOC de 70cl à 40% (tiens, comme chez nous, ah ben ça par exemple !...)
- ((0,7x40) / 100 ) /100 = 0,0028hlap par bouteille (soit 28cl d’alcool pur par bouteille)
- 0,0028 x 1834,42 = 5,136376 € de croits d’accise par bouteille
- Mais ce n’est pas fini ! 0,0028 x 589 = 1,6492€ de cotisation sécurité sociale par bouteille
- Donc : 5,136376+1,6492 = 6,785576€ soit environ 6,80€ de droits d’accise par bouteille de Lambig de Bretagne AOC.
Ça calme, hein ?...
Et attends, quand tu rajoutes la TVA à 20%, sur une bouteille de 70cl à 40% ça représente environ 5,35€/bouteille, tu arrives à 6,8+5,35= 12,15€ de taxes/ bouteille de Lambig de Bretagne AOC (TVA+droits d’accise)
Et là, toi tu as un petit pincement, parce que tu te dis quand même que tu as fait tout le travail, c’est à dire, planter des vergers, attendre 15 ans que ça produise, ramasser, presser, faire du cidre, le faire fermenter, le distiller, le laisser vieillir quelques années en futs de chêne, le filtrer, acheter bouteilles/bouchons/étiquettes, mettre tout ça en bouteilles, et le vendre...
...
"Je m’énerve pas, Madeleine, j’explique aux gens !!..."
"Ah, attention, M’sieur Charles-Henri, vous vous laissez emporter hors de la neutralité" Oui, j’ai vu, mais, c’est bon, je ne le fais que là, je me remets moi-même dans l’axe !
C’est vrai que ça fait toujours bizarre à un producteur ayant géré de A à Z la fabrication d’un produit, de collecter pour lui et de verser 12€ par bouteille de taxes à l’État. Mais bon, c’est comme ça que ça marche...
Finalement on est autorisé à fabriquer et "dealer" des drogues licites, parce qu’elles rapportent quand même un petit paquet à l’État.. Vues sous cet angle, les choses sont peut-être plus claires. Tiens, je viens d’avoir un flash, au passage vous réécouterez les dernières paroles de "L’apologie" de Matmatah...
Et puis finalement, vous avez bien compris ? Nous, on a l’impression de payer ces taxes, mais nous nous trompons ; nous, nous ne faisons que les collecter... Car au final, vous ne le voyez pas, mais c’est vous qui les payez, les taxes...
Halte remise à plat / point neutralité :
Attention, ici on est pas en train de dire que l’impôt c’est mal, et de prôner des idées qui ne nous ressemblent absolument pas ! Non, non, on présente juste les choses telles qu’elles se passent. (En plus les impôts, franchement moi je suis plutôt pour ; et je vais te dire même je serais prêt à "arrondir supérieur" à la caisse si jamais j’étais sûr qu’ils servaient à construire des trucs un peu utiles et plutôt classes genre des écoles, des hôpitaux, des théâtres... Et pas des porte-avions, des hélicoptères ou ce genre de trucs que je qualifierais de "moins utiles" à minima, et encore.... parce que je suis gentil... et neutre, bien entendu...).
Voilà. En tant que mec neutre, j’espère que je me suis bien fait comprendre.
Une relation étroite
Avec la Digididi-Aïe, nous entretenons donc des relations étroites et régulières, car elle doit s’assurer que nous payons bien ces fameux droits d’accise.
Les droits d’accise sont payés en général à la bouteille vendue, c’est à dire que les douanes (j’arrête un peu avec "Digididi-Aïe") n’exigent pas un paiement des taxes à la production.
Un petit exemple valant mieux gnagnagna :
- Je distille et enfute ("enfute", oui... je mets dans des futs de chêne, quoi ) 8,75hl de Lambig à 70,8%alc./vol, soit 6,195hlap. Les taxes exigibles sur ce volume d’alcool pur sont donc de (6,195x1834,42)+(6,195x589)= 15283,09€. Le Lambig va devoir vieillir plusieurs années avant d’être commercialisé, la Digididi-Aïe (ah ben si, finalement, j’aime bien, je crois) n’exige pas (et heureusement pour notre trésorerie, vu les montants que cela représente) que nous payions les taxes "d’avance". Elle tolère donc que nous conservions ces produits sans en acquitter les droits. On parle alors de stock en "droits suspendus".
Chez nous, les droits d’accise sont payés lorsque le produit est mis en vente, (c’est à dire quand il passe physiquement du stock à la boutique), ce qui nous oblige à un petite avance de trésorerie quand même, mais heureusement pas sur la totalité du stock.
Par contre, le revers de cette tolérance, c’est évidemment un contrôle très strict et continu des stocks présents chez nous. Et ça se comprend bien si on se place du point de vue de la Digididi-Aïe : dans ces stocks "dormants" (souvent plusieurs années de cumul de stock selon le temps de vieillissement des produits, il y a une somme considérable de taxes "à percevoir"). La Digididi-Aïe se considère comme propriétaire d’une partie de la valeur de ce qui est stocké chez nous, et exige à ce titre de connaître le moindre mouvement de produit, la moindre perte, le moindre changement.
Entrepositaire agréé
Pour stocker de l’alcool en droits suspendus, il faut avoir effectué une demande auprès des services de la Digididi-Aïe pour devenir "entrepositaire agréé". Un dossier administratif épais, précisant entre autres le ou les lieux de stockage exacts.
Tu veux devenir entrepositaire agréé, mon ami ? Cette page est pour toi !
Comptabilité matière, DAI et DRM
Ensuite, notre relation avec les douanes consiste à tenir au jour le jour ce que l’on appelle une "comptabilité matière", c’est à dire un fichier recensant tout ce que nous avons en stock, produit par produit. Il y a donc une page "cidre", une page "pommeau sous bois", une autre "pommeau en bouteilles", une autre "Lambig sous bois"...etc...
Chaque mouvement de produit est noté et les volumes passent d’une page à l’autre lors d’une mise en bouteilles par exemple.
Cette comptabilité matière doit coller à la réalité au quotidien. En cas de contrôle, les stocks "théoriques" (dans la comptabilité matière) doivent être les mêmes que les stocks "physiques", réels dans les bouteilles et futs de chêne. S’il y a surplus ou manquant, la Digididi-Aïe exigera une explication et, à minima, taxera cette différence.
La DRM
"DRM" pour "Déclaration Récapitulative Mensuelle". C’est une déclaration que l’on fait tous les mois à la Digididi-Aïe, et où l’on récapitule justement tout ce qui a bougé. Si des produits en droits suspendus ont été vendus, on s’acquitte des droits d’accise lors de cette déclaration. On doit l’effectuer pour le mois écoulé avant le 10 du mois suivant, c’est comme ça. Maintenant, ça se fait en ligne via un espace spécial sur le site internet de la Digididi-Aïe.
La DAI
DAI : "Déclaration Annuelle d’Inventaire". Tous les ans, fin décembre, entre deux toasts chèvre/confit de cidre, on fait l’inventaire global et physique de tous nos produits en stocks en droits suspendus. C’est à dire que là, on ne se contente pas de calculer sur le papier, on va dans le chai, on vide et on mesure le volume contenu dans chaque fut (c’est un bon chantier quand même). Le volume, mais aussi le degré de l’eau de vie, car les anges ne prélèvent pas que du volume, le vieillissement sous bois soit aussi le degré des eaux de vie baisser petit à petit.
La DAI nous donne le volume exact, physique contenu dans le chai. Il est évidemment inférieur au volume théorique qui ne prend pas en compte ces évaporations naturelles. Pour nos volumes, professionnels mais modestes, ces évaporations, cette "part des anges" sur les Lambig et Pommeau, peuvent quand même représenter plusieurs dizaines (voire centaines) de litres évaporés "perdus" pendant l’année écoulée.
Ça va les anges, il était bon le lambig ??!! Sacs à vin !
Comment on fait alors avec ces pertes ? Ben là, ce n’est pas compliqué, la Digididi-Aïe a un barème mis en place, elle établit arbitrairement un pourcentage maximal de manquants admissibles (6% de manquants tolérés par an pour le Lambig par exemple). En dessous de ce pourcentage, les manquants ne sont pas taxés, au dessus, ils le sont. 6% c’est un chiffre qui a du être arrêté en faisant une moyenne avec plein de données, mais tous les chais ne sont pas au même niveau d’hygrométrie, à la même température, etc... L’année, sèche ou humide aura des conséquence aussi sur l’évaporation. Donc les manquants "moyens" peuvent varier d’un chai à l’autre d’une part et d’une année à l’autre dans le même chai, d’autre part.
Avec cet inventaire physique pratiqué lors de la DAI, on repart sur des bases réelles pour la comptabilité matière de l’année à venir.
Les transferts de produits en droits suspendus
Dernier point, la Digididi-Aïe contrôle aussi tout ce qui est circulation des produits en droits suspendus.
Quand vous repartez de chez nous avec des bouteilles, pas de problème, vu que comme on l’a vu plus haut, tous nos produits sortent de chez nous en droits déjà acquittés. (En cas de contrôle de la douane au péage, vous pourrez leur dire que les produits dans votre coffre voyagent "en droits acquittés", vous marquerez des points... ou pas...)
En revanche, pour nous qui sous-traitons encore notre distillation chez nos confrères de la distillerie du Plessis à Quimper, nous avons, une ou deux fois par an, à faire circuler sur la route des produits en droits suspendus :
- Du cidre à distiller à l’aller
- Du l’eau de vie (Lambig) au retour
Là, la Digididi-Aïe contrôle de façon très stricte et précise ces flux. Il nous faut produire un DAE (Document d’Accompagnement Électronique (aujourd’hui rempli en ligne)) récapitulant entre autres :
- Numéro d’entrepositaire agréé et adresse de départ
- Numéro d’entrepositaire agréé et adresse d’arrivée (le transfert en droits suspendus ne peut se faire que d’entrepositaire agréé à entrepositaire agréé)
- Volume de produit
- Degré du produit
- Catégorie fiscale (cidre pour nous à l’envoi, eau de vie pour le retour)
- Contenant (cuve ? vrac ?)
- Mode de transport (routier : camion)
- Plaque d’immatriculation du véhicule servant au transport
- Heure de départ
- Temps de transport
Après distillation, le retour de l’eau de vie chez nous prête pour le stockage sous bois s’effectue avec la production du même document.
Il ne faut pas oublier de cocher la case "marchandise réceptionnée et conforme" à la réception, car sinon, la Digididi-Aïe nous rappelle pour savoir dans quel talus est tombé la cuve de lambig entre Quimper et chez nous...
Blague à part, je peux vous dire qu’on roule doucement quand on rentre de la distillerie avec 800l de Lambig sur la remorque... Un œuf sous chaque pied... Comme le dit la double page des "conseils de conduite sur neige" du Télégramme quand il neige un demi centimètre sur le Finistère, c’est à dire tous les dix ans environ.
Bon ben voilà, vous avez à peu près tout sur les douanes, de Jésus à aujourd’hui, vous avez été étonnés, intéressés, horrifiés (rayez la ou les mentions inutiles) par ce que je vous ai raconté, et on est le 10 du mois, c’est donc aujourd’hui le dernier jour pour faire ma DRM en ligne et payer les droits d’accise correspondant, alors je vais aller de ce pas faire mon devoir d’entrepositaire agréé.
Pour ceux qui voudraient aller plus loin et faire un petit exposé devant leurs camarades la prochaine fois :
https://histoire-de-la-douane.org/
Et ça, c’est carrément hors-sujet, mais c’est pour bien finir, sans transition :
Vos commentaires
# Le 10 avril 2023 à 16:03, par Celine En réponse à : Vive le douanier Rousseau
Eh bien ! Je me dis souvent que je fais des mails trop longs au groupe auquel je contribue. En fait, je devrais leur joindre un de tes posts comme ça mes mails passeront pour une introduction furtive !! J’avoue celui-là je l’ai lu en deux fois : c’est le sujet qui n’est pas très, comment tu dis ? : motivant ? neutre ? Les hectomachins tout de suite c’est moins glam à lire...
Et sinon, faut rendre à César (prononcer "Cizer") ce qui est à Cizer : tu me collerais des droits d’auteur si je copie colle un de tes posts ? Je dis ça je dis rien...Un autre thème neutre de post ? ;-))
Ah et le coup des huîtres, j’ai bien ri ! Merci de nous éclairer et de faire pétiller nos neurones endormis...
# Le 10 avril 2023 à 16:59, par Nico En réponse à : Vive le douanier Rousseau
Et oui, je sens bien que j’ai un petit niveau pour tout ce qui est longues explications qui se perdent dans les méandres d’une pensée pas très claire et "qui s’appuie de toute façon essentiellement sur des théories bancales à la base"... (On me l’a dit...)
Tu copies, tu colles, tu copicoles, tout ce que tu veux !
Merci
À bientôt
Nico
# Le 28 novembre 2023 à 15:54, par UnCidrierNormand En réponse à : Vive le douanier Rousseau
Très bon boulot d’explication que j’ai pris du plaisir à lire comme les autres articles de ce blog, et ce malgré le sujet à priori peu digeste. Cette justesse d’explication est sans aucun doute liée à la qualité et la pertinence des images d’illustrations, notamment le stylo quatre couleurs.
Bravo pour votre travail et vos explications précieuses ! Je dévore vos billets depuis quelques jours
Vos commentaires
Suivre les commentaires : |