C’est bon, vous vous êtes remis de la vanne du titre ?...
Alors je commence.
Donc, derrière ce titre plus ambigu que drôle, deux chemins se présentent à nous (et "quand deux chemins se présentent à toi, choisis toujours le plus difficile"...). Alors on pourrait faire un petit article sur les conversions entre centilitres, millilitres, litres, décalitres, hectolitres, etc... Mais non... Une bonne table de conversion au dos de votre cahier de brouillon sera bien plus claire... (qui a dit : "Et concise..." ?...).
Même si c’est vrai, que le cidre se compte en hectos,.... Jean-Pierre (pour changer... mais si ça vous embrouille, laissez "Pascal"). D’ailleurs, si vous voulez bien vous la raconter face à un producteur ou quelqu’un un peu "du milieu", apprenez à compter en hectolitres, et placez aussi souvent que possible des : "combien d’hectos par pressée ?" ou "tes cuves font quelles capacités en hectos ?"... Ça marche toujours.
Ici aujourd’hui, je vais vous parler d’hectopascals, de pression atmosphérique, de météo et de notre dépendance, s’il était encore nécessaire de le prouver, aux conditions naturelles.
Quand le moût de pomme sort du pressoir, il est "épais", très trouble, très "chargé" en particules de toutes sortes. Après le chapeau brun (voir article à venir) ou la dépectinisation (voir article précédent), un premier éclaircissage est effectué sur le cidre tout juste parti en fermentation.
Au moment des mises en bouteilles, le cidre est plutôt limpide, (avec chez nous et ceux qui travaillent encore en pétillant naturel quand même un petit dépôt de levures en bouteille ; normal, car sans elles, pas de bulles !).
Entre les deux, c’est notre travail "de cave", qui passe notamment par des soutirages successifs pour "éclaircir" le cidre.
Le soutirage
"Soutirer", c’est traditionnellement, monter une barrique en hauteur, avec un palan par exemple et aspirer avec un tuyau le cidre de la barrique "haute" pour le faire descendre dans une barrique "basse" par gravité ... "sous-tirer"... (voir fig.1)
Pour nous, les cuves étant toutes sur le même plan, l’action et le verbe restent les mêmes, mais on soutire à l’aide d’une pompe.
L’objectif d’un soutirage est double :
- éclaircir le cidre, le rendre plus limpide, visuellement plus "joli" aussi
- débarrasser le cidre d’une partie des particules en suspension en son sein ; dont des millions (milliards ?...) de levures qui le font fermenter. Quand on enlève des levures d’une cuve de cidre, c’est comme si on enlevait des ouvriers sur un chantier, ceux restant se retrouvent bien moins nombreux, le chantier continue, mais avance beaucoup moins vite.
C’est la manière ancestrale de stabiliser une fermentation avant qu’elle ne soit totale (ce qui est notre objectif).
Et bien voilà le secret pour ralentir une fermentation : soutirer pour diminuer la population de levures.
Oui, sauf que...
Les levures c’est microscopique, et ça se balade dans toute la cuve... Un soutirage ne sera efficace que si une majeure partie des levures est déposée en fond de cuve, de façon à avoir vraiment deux phases : du cidre clair sur les 95% de la cuve, et des lies très chargées en levures en fond de cuve (les 5% restant).
Et comment on peut faire pour que ça se dépose bien en fond de cuve, vous allez me dire ?
... Et bien on ne peut pas faire grand-chose, nous .... On attend "les hautes pressions"...
On a beau avoir du matériel moderne, tout ça, on travaille toujours "à l’ancienne", cette histoire de hautes pressions en est peut-être l’exemple le plus flagrant !
D’ailleurs voici une petite traduction de termes utilisés par nos anciens, qui connaissaient tout ça par cœur :
Quand pépé disait :
"il faut soutirer par temps froid et clair "
Il fallait comprendre : "attends les hautes pressions et un temps anticyclonique pour effectuer tes soutirages, ils seront plus efficaces" (c’est vrai que les hautes pressions, en période hivernale s’accompagnent souvent d’un ciel dégagé, de vent de secteur est et nord, et d’un froid sec).
...et ça marche aussi pour d’autres trucs :
Quand pépé disait :
"on peut mettre un peu de pommes pourries "marrons" dans le cidre"
il fallait au fait comprendre :
"il faut presser des pommes à 100% de maturité, pour qu’elles soient le plus qualitativement intéressantes" (et 100% de maturité, c’est juste avant que la pomme ne commence à pourrir, donc le repère à l’époque, c’était que quand il commençait à y avoir quelques pourries, c’était le bon moment...)
Quand pépé disait :
"c’est pas toi qui a ma clé à molette"...
...ben là, t’avais intérêt de la ramener rapidement...
Je reviens sur les pressions :
On parle bien des pressions atmosphériques, (995 hectopascals, 1020 hectopascals, 1035 hectopascals, etc...).
La pression moyenne mondiale (la masse de la colonne d’air qui... je m’arrête là...) au niveau de la mer est d’environ 1013hPa à 15°C. Donc, arbitrairement, au dessus de 1013hPa, on parlera de "hautes pressions", en dessous de 1013hPa, de "basses pressions".
La pression atmosphérique agit directement sur nos levures, un peu sur le principe d’une cafetière à piston :
(vous aviez remarqué que je changeais de couleur à chaque dessin, pour tenter de grossièrement détourner l’attention et espérer ainsi compenser mes piètres talents de dessinateur ?...)
Donc au vu de ce dessin, vous avez compris que :
- soutirer la cuve n°1, c’est du temps de perdu, le résultat en sortie de soutirage restera inchangé.
- Soutirer la cuve n°2, c’est un peu mieux, mais ce n’est pas terrible non plus.
- En revanche, soutirer la cuve n°3, là ce sera efficace, voire même très efficace, en effet, un soutirage effectué dans des conditions optimales peut même dépasser son objectif et complétement "bloquer" la fermentation d’une cuve.
Je vous rassure, ce n’est quand même pas souvent le cas, en général, on aimerait avoir tout l’hiver à 1035 hPa pour pouvoir soutirer à l’envi.
Et pourquoi je vous parle de ça, vous me direz ?... Et bien justement parce que cette semaine (enfin ce début de semaine... Ne nous enflammons pas...), nous avons eu les premières hautes pressions atmosphériques depuis environ... Le début de la saison de pressage.
Quatre malheureux jours de pressions oscillant entre 1020 et 1025 hPa. Vous vous souvenez, ce sont les quatre jours où vous vous êtres demandés ce qu’était dans le ciel cette masse jaune informe qui vous faisait mal aux yeux et vous réchauffait le dos ?!....
Petite et seule "fenêtre de tir" pour nous depuis deux mois, nous en avons profité pour soutirer toutes nos cuves ! En attendant une nouvelle période de hautes-pressions, qui, au vu des prévisions météo, ne sera pas pour tout de suite...
Et comment faites-vous quand il n’y a pas ou peu de hautes pressions, comme cette année par exemple ? Et bien, ça nous complexifie la tâche, c’est certain, on a plus de mal à stabiliser les fermentations, qui se font donc plus rapidement. Heureusement nous pouvons quand même agir sur la température de la cave que nous pouvons diminuer en année compliquée comme cette automne...
Voila, fin de la parenthèse, donc, maintenant si vous aviez prévu un week-end d’activités extérieures avec un cidrier, et qu’il vous dit qu’il ne pourra finalement pas venir "à cause du temps" alors qu’ils prévoient grand beau, vous comprendrez pourquoi...
À bientôt !
Vos commentaires
# Le 29 octobre à 06:48, par MARCEL En réponse à : Le cidre, ça se compte en hectos, Pascal...
Autre façon d’expliquer :
pressions bases = dégagement important de gaz carbonique entrainant avec lui les impuretés et la lie donc cidre trouble.
A l’inverse, pressions élevées = moins de gaz carbonique à remonter dans la barrique donc m
oins d’impuretés, le cidre est bien plus clair..
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