Que s’est-il passé depuis la fin octobre dernier et le pressage de vos pommes en commun pour cette deuxième édition de la cuvée de la presqu’île ?
Vous vous souvenez que la cuvée avait été pressée en deux sessions (5 et 24 octobre), et les deux "demi-cuvées" avaient ensuite été rassemblées pour devenir le mélange définitif.
Le pressage précoce de début octobre en a fait donc une des premières cuvées de l’automne 2020, et donc, une des premières à arriver petit à petit aux densités de mise en bouteille possible.
Nous sommes déjà presque mi-décembre (si, si !...) et cela fait donc plus de deux mois que la cuvée fermente. Nous avons contrôlé régulièrement la densité (ce qui nous renseigne indirectement sur le taux de sucre du cidre) 1050, 1040,1030, 1025... La perte de densité est régulière et logique, les levures transforment le sucre en alcool et en gaz carbonique, l’alcool étant moins dense que l’eau (sa densité ou "masse volumique" est de 789 ; contre 1000 pour l’eau), la densité diminue tout au long d’une fermentation.
Le tout, quand on fait du cidre est de savoir à quelle densité on veut s’arrêter, sachant que le processus naturel ira au bout des choses, c’est à dire que les levures finiront, tôt ou tard par fermenter tout le sucre, avec une densité tendant vers 1000 (voire moins)
Un cidre à 1000 de densité, c’est un cidre où il n’y a plus de sucres du tout, c’est ce que l’on recherche pour un cidre destiné à la distillation par exemple. Plus rarement pour un cidre de dégustation (hors-mis peut-être les extra-secs, et encore, ils ne seront pas tous à "zéro").
Un cidre à 1000 de densité, selon les pommes utilisées, le ressenti peut être très différent :
- avec des pommes amères attention, ça risque d’être "yac’h" ! ("dur"), l’amertume ne sera pas équilibrée par une certaine douceur, accrochez-vous.
- avec des pommes douces : ça peut passer très bien !
Donc, la loi est :
- plus on attend et plus on laisse la fermentation aller loin, plus on aura un cidre "brut" (ou "sec", nous sommes sur deux synonymes)
- si on attend un peu moins, on sera sur un demi-sec
- le cidre doux, je n’en parle pas, je ne sais pas faire ;)
Allez, je tente une petite traduction des termes en densités :
Type de cidre | Exemple de densité possible* |
---|---|
Brut | 1008-1012 |
Demi-sec | 1015-1020 |
*On parle ici de la densité de dégustation, quand on ouvre la bouteille (après prise de mousse).
Bon, ce sont des exemples, sachant qu’une plage plus ou moins large est possible et les densité peuvent varier d’une cuvée à l’autre, d’un producteur à l’autre, bien sûr... C’est juste pour donner une idée !
Pour obtenir un "brut", donc, avec un objectif de densité de dégustation à 1012 par exemple, et bien il faudra que l’on prévoit de mettre en bouteilles, non pas à 1012, mais plutôt à 1017-1018.
Pourquoi ?
Parce que nous avons besoin d’une continuité de la fermentation (ou "refermentation") en bouteille pour avoir des bulles ! C’est ce qu’on appelle la "prise de mousse naturelle". On sait d’expérience que chez nous, elle correspondra après deux ou trois mois de refermentation, et si tout se passe bien, à une perte de 5 à 6 points de densité supplémentaires, donc sur cet exemple : 1017-5=1012, on est bons !
Ça se passe toujours comme ça.
Revenons à la presqu’île, à notre cuvée. Par rapport à 2019, nous avons toujours une majorité de pommes à couteau, mais quand même un peu plus de pommes à cidre dans le mélange, vous vous rappelez, je parlais de 65% pommes à couteau, 35% pommes à cidre à peu près ?.
En termes de saveurs, de goût, ça change un peu de l’année dernière, dans le sens où les pommes à cidre ramène un peu de tanins, une très légère amertume, qui donne du corps et un peu de longueur en bouche au futur produit (ben oui, j’ai goûté ! Et franchement, ça me plaît !).
En comparaison, la cuvée 2019 était très acidulée et n’avait pas ou peu de longueur.
L’acidité de la cuvée 2020 est aussi, en conséquence, moins prononcée.
La relative acidité de la version 2019 nous avait fait privilégier une mise en bouteille avec un taux de sucre encore relativement important (plutôt "demi-sec"), pour ne pas se retrouver avec une balance penchant clairement vers cette acidité justement. L’équilibre de la version 2020 ouvre le champ des possibles, une mise en bouteille un peu plus tardive (pour cidre un peu plus brut) sera possible, et c’est à mon humble avis, le meilleur chemin à prendre cette année pour révéler le meilleur de cet assemblage !
Suite au prochain épisode !
Vos commentaires
# Le 13 décembre 2020 à 13:16, par Elmars60 En réponse à : Cuvée de la Presqu’île 2020 #2
Je fais et je laisse faire, bonne decision pour cette cuvee 2020
# Le 15 janvier 2021 à 20:13, par Nicolas En réponse à : Cuvée de la Presqu’île 2020 #2
Merci beaucoup pour votre blog hyper instructif !
Une question m’obsède depuis un bon mois... nous avons effectué un dernier sous-titrage le 27 décembre et à la suite de ce dernier la densité était de 1022 pour 11 degrés dans la cave. Aucune reprise de fermentation et, aujourd’hui 1022 pour 10 degrés dans la cave et plus de fermentation du tout... est-ce normal, j’ai l’impression d’être le seul à rencontrer ça ?
En tout cas, super blog.
# Le 16 janvier 2021 à 09:42, par Nico En réponse à : Cuvée de la Presqu’île 2020 #2
Bonjour !
Et merci !
Ce qui est bien avec les forums de cidriers, c’est qu’on tombe forcément sur des gens qui ont eu le même problème que nous auparavant, et qui peuvent (peut-être) nous éclairer !
Un soutirage efficace peut tout à fait à lui seul bloquer une fermentation. Si en plus plusieurs facteurs sont conjugués comme par exemple :
– cidre déjà à la base peu fermentescible
– hautes pressions atmosphériques et sédimentation importante des levures en fond de cuve/fût lors du soutirage (normal, c’est ce que l’on recherche !)
– temps froid
– ...
Votre cidre a peut-être conjugué un ou plusieurs de ces facteurs.
La fermentescibilité dépend en grande partie de l’azote (nutriment des levures) présent dans le cidre. Les fruits issus de jeunes vergers ou de vergers recevant de l’engrais sont beaucoup plus riches en azote. À l’inverse, et logiquement, les fruits issus de vieux vergers sont beaucoup plus pauvres en azote, et un simple soutirage peut avoir raison de la faible motivation des levures !
Je ne connais pas votre lieu d’implantation, mais au vu de la date de soutirage, nous sommes (exceptés ces derniers jours) depuis en période plutôt fraîche, ce qui n’a pas favorisé une reprise de la fermentation.
Deux solutions pour vous, je pense :
– ou bien vous considérez que 1022 (à 10°C, donc quelques points de moins ramené à 20°C) est une bonne densité pour une mise en bouteille, et alors, c’est très bien, votre cidre semble à peu près stabilisé, il repartira en fermentation en bouteilles avec le redoux printanier.
– ou bien vous souhaitez le "faire descendre" encore un peu, et dans ce cas, une première solution serait de pratiquer un remontage (pomper en circuit fermé la cuve) pour "remélanger un peu ce qu’il reste de levures, ré-homogénéiser, et provoquer une possible redynamisation de la fermentation.
Souvent, cette dernière action suffit à relancer une fermentation. Si jamais ce n’était pas suffisant, vous pourriez jouer sur deux autres tableaux :
– apporter des nutriments aux levures (écorces de levures déshydratées...Je crois que ça se trouve)
– jouer sur la température (mais là, moi personnellement, je n’irai pas sur ce terrain-là !)
Sachant qu’on dit toujours qu’un cidre qui fermente est plus ou moins "protégé" ; l’activité fermentaire des levures "occupe la place" et empêche le développement de bactéries par exemple, et nous prémunit contre d’éventuel problèmes. Un cidre qui ne fermente plus, surtout à densité relativement haute (1025-1030) = méfiance.
Merci
À bientôt
Nico
# Le 15 février à 23:45, par Justine En réponse à : Cuvée de la Presqu’île 2020 #2
bonjour,
C’est la première année que j’essaie de faire du cidre.
J’ai des amis qui ont un frigo dans leur ferme, du coups j’ai mis mon mout directement pressé dans le frigo à 6°, 6,5°.
Cependant avec la reprise du lait et donc du fromage je dois sortir mon fut du frigo.
Il est à ce jour à une densité de 1020, je souhaite un cidre brut, du coups je vais le laisser encore fermenter.
Est ce que le changement de température est important après 3 mois de fermentation ?
Je ne suis pas sur de trouver un autre lieu pour le stocker à 6°, mais les température extérieur actuellement sont très douces pour la saison... et avec des variations..
que se passe t’il s’il continu de fermenter à 10, 12° ou bien s’il subi des variations de température ?
merci pour le blog et les réponses :)
Justine.
# Le 16 février à 06:56, par Nico En réponse à : Cuvée de la Presqu’île 2020 #2
Bonjour,
un changement de température aura généralement un effet sur la fermentation. Une température plus douce devrait, en théorie, relancer, ré-activer un peu la fermentation. Mais entre la théorie et la pratique, en cidre, on sait que l’écart peut souvent être important...
La densité en elle-même n’est pas une donnée très parlante ; l’évolution de la densité (nombre de points perdus par semaine, par exemple) donne plus d’indications. C’est au regard de cette évolution de la vitesse qu’on pourra apprécier une reprise / une accélération de la fermentation et agir en conséquence (soutirage ? filtration ? mise en bouteilles ?...les trois ?...).
Si le fut est au froid, et que les pressions atmosphériques sont favorables (hautes), un soutirage sera de toute façon bienvenu. Comme le fut doit être déplacé, autant en profiter !
Bon courage !
Nico
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