Et c’est reparti, entre deux averses, des nouvelles de notre cuvée !
Bon, où l’avions nous laissé ?
Ah oui, le tonnage, les pommes, etc.
Donc, reprenons, toutes les pommes ont été pressées, bien sûr, rapidement après que vous les ayez amenées.
Dans notre atelier, les pommes sont d’abord triées (peu de tri à faire sur ces pommes, qui je le répète, étaient très saines), ensuite lavées 2 fois (il s’agit au fait de rinçages plus que de lavages), puis râpées (ou broyées), et enfin pressées !
Dans le pressoir, nous mettons un peu plus de 2 tonnes de pommes à la fois (2300kg environ), la cuvée a donc été pressée en 3 fois ! Il en est sorti du jus (de pommes, bien sûr), mais on préfère à ce niveau-là parler de "moût" de pommes, comme on parlera de "moût de raisin" pour ce qui est destiné à faire du vin. Le jus de pommes étant le produit fini.
42 hl sont sortis de la presse ! (soit un rendement d’environ 60%, ce qui est un rendement tout à fait normal et dans la moyenne habituelle).
Première chose que nous faisons, en sortie de presse : "peser" le moût , ou bien "prendre la densité" du moût.
Alors là, que les purs scientifiques me rectifient si je ne suis pas au top niveau :
La densité du moût en sortie de presse va nous donner une indication sur la sucrosité de celui-ci.
la densité, finalement, c’est la masse volumique. (j’ai bon ?)...
Un dm3 d’eau va peser 1000g ; on dira : densité =1000
Un dm3 de moût de pommes sera plus dense car sucré, on lit souvent des densités autour de 1060.
La lecture de la densité nous permet de connaître la teneur en sucre en gr/L. C’est la chute des densité et son suivi qui nous donnera ensuite des informations sur la fermentation.
1060 de densité c’est environ 135g/L de sucre, et un titre alcoométrique potentiel de presque 8° (si l’ensemble des sucres étaient fermentés).
Les pommes à cidre, malgré ce que nous laisserait à penser leur saveur amère, sont souvent plus sucrées que les pommes à couteau ; il nous est arrivé de voir des densité avoisinant presque les 1080 sur certaines variétés bien spécifiques. Les pommes à couteau tournent plutôt chez nous autour des 1050, en général
Et bien, notre moût en sortie de presse affichait 1054. Ce qui n’est pas excessivement élevé, mais normal, car on l’a vu, il est composé d’une majorité de pommes à couteau.
La deuxième chose que nous mesurons est le pH des moûts. Sans rentrer dans des détails trop techniques, nous évaluons ainsi l’acidité du moût, et cela nous donne des informations sur la façon de conduire les fermentations par la suite, et la protection du moût d’éventuels développements bactériens. Un moût acide (pH 3,6 par exemple) sera par exemple plus protégé qu’un moût sortant de la presse avec un pH de 4,20 (ça arrive...).
Bon de ce coté là pas de problème non plus, on notait un pH de 3,59 en sortie de presse. Normal, encore une fois, nous nous y attendions, vous vous souvenez à l’épisode précédent : pommes à couteau = pas d’amertume mais + d’acidité !
Une fois ces valeurs soigneusement notées sur la petite "fiche cuvée", c’était presque la fin de journée, mais !...
Avant d’aller se coucher et manger (ou l’inverse... arrivé début novembre, je ne sais plus trop...), nous avons ajouté au 42hl de moût une petite dose d’enzymes (quelques cl), déjà présents naturellement dans notre moût mais auxquelles nous apportons un soutien. Ces enzymes sont ajoutées dans le but de dépectiniser* le moût, c’est à dire de clarifier celui-ci avant son départ en fermentation.
Pour les conduites de fermentation à venir, avoir un moût bien clarifié au départ, c’est un gage de sérénité pour la suite.
Les enzymes en question vont concrètement en quelques jours faire "tomber" en fond de cuve les plus grosses particules. Celle-ci vont former des lies plus ou moins épaisses (quelques dizaine voire centaines de litres quand-même). Notre prochaine action consistera à soutirer (pomper) le moût clair par le dessus, et à le transvaser dans une autre cuve.
À chaque opération de soutirage comme celle-là, on perd un peu en volume (le volume des lies laissées derrière), mais on gagne en qualité (un moût ou un cidre plus limpide. C’est l’essentiel du "travail de cave" qui est résumé dans cette phrase !
*En principe, pour un moût de pommes à cidre (variétés phénoliques, je me répète, mais bon...) on ne procède pas à une dépectinisation comme cela. On privilégie une autre méthode dite de "clarification haute" plus connue parfois sous le terme de "chapeau brun".
L’objectif de clarification est le même, mais est obtenu par une coagulation, une agglomération des pectines puis une remontée de celles-ci dans une sorte de "croûte" en haut de cuve.
Nous n’avons pas utilisé cette technique ici, car la majorité de la cuvée étant constituée de pommes à couteau, dépourvues de polyphénols, la tentative était vouée à l’échec.
Mais là ça devient (très) technique ! nous expliquerons le principe du chapeau brun dans un article spécifique une autre fois (de toute façon, ce n’est pas au programme cette année, ne vous inquiétez pas, vous ne pouvez pas tomber dessus à l’examen...).
À bientôt !
Vos commentaires
# Le 22 juin 2020 à 20:41, par podawan En réponse à : La cuvée de la Presqu’île - Episode 2
Bonjour maitre jedi,
que de précision et technicité dans la clarification du cidre !
Existe t-il un cursus particulier pour devenir Master Cidrier ? école agro ? ou l’école de la vie sur le terrain ?
En combien de temps peut-on être autonome et ouvrir sa propre cidrerie ?
# Le 23 juin 2020 à 07:26, par Nico En réponse à : La cuvée de la Presqu’île - Episode 2
Bonjour,
il existe, je pense, différentes formations locales, associations ou regroupements d’amateurs au sein desquels on peut déjà trouver de bonnes bases de connaissances, des personnes avec qui échanger et de bons conseils.
A visée plus professionnelle, en complément d’une formation agricole axée "végétale" (pour la gestion d’un verger), il existe un Certificat de Spécialisation "Production Cidricole" au lycée Agricole Le Robillard à Saint-Pierre sur Dives (14).
L’expérience de terrain et les expérimentations et stages dans d’autres cidreries sont évidemment très enrichissantes, car entre la théorie et la pratique.... (je ne finirai pas cette phrase !...).
À la dernière question, je serais bien incapable de répondre ; j’aurais presque envie de dire "jamais", dans le sens où si l’on attend de tout connaître avant de se lancer, c’est certain que le projet ne verra jamais le jour !...
# Le 15 novembre 2021 à 21:19, par Aubry En réponse à : La cuvée de la Presqu’île - Episode 2
Bonjour,
Serait-il possible d avoir un article plus détaillé (comme celui du chapeau brun) pour la depectinasation de jus de variétés non phenoliques ? Comment fait on pour savoir qu’il est le bon moment de sous tirer (on ne doit pas attendre la fermentation sinon ça se met en suspension non) ? On n ajoute pas ici de chlorure de calcium car on ne veut pas que ça précipite ?
Y a t il un moyen de savoir si notre variété est phenolique ou non ? (pour savoir si on se dirige vers un chapeau brun ou bien un débourbage).
En tout cas, ce blog est trop cool et super didactique !
Merci !
# Le 25 novembre 2021 à 08:47, par Nico En réponse à : La cuvée de la Presqu’île - Episode 2
Bonjour,
Je suis moins spécialiste de la dépectinisation, je ne l’utilise que rarement, mais de toute façon, c’est beaucoup plus simple et plus rapide, je n’aurais pas matière à écrire beaucoup plus que cette réponse sur le sujet !
Une fois les enzymes ajoutées, la sédimentation se fait en quelques heures/jours (la durée dépend toujours de la température extérieure).
Je dirais qu’en 48h (à 8-10°C) c’est plié, et bon à soutirer.
Il n’y a pas d’autre ajout que l’enzyme en question, non.
Je ne crois pas me tromper en disant que toutes les variétés de pommes contiennent des ployphénols, la différence entre une variété dite "phénolique" ou non tient dans le dosage de ceux-ci.
Un "croc" dans la pomme est la méthode la plus simple pour déterminer la saveur de la pomme : si amertume il y a, même légère : la pomme peut être considérée comme "phénolique" (ou "pomme à cidre").
à bientôt
Nico
Vos commentaires
Suivre les commentaires : |