La fabrication et l’élaboration du cidre répond à un processus rigoureux. Chaque étape à son importance et de chacune d’elles dépend la qualité du produit final. Si la partie fabrication (broyage-pressage) est plus ou moins connue, on connaît moins en revanche toute la partie de contrôle de la fermentation, qui demande un savoir-faire et une expérience qui ne s’acquièrent qu’au fil des années.
Première phase : le brassage
Une fois les pommes ramassées, les fruits sont stockés en attente de la maturité idéale pour le pressage (plusieurs tests sont pratiqués sur les fruits pour déterminer leur maturité). Lorsque les fruits sont à maturité, commence alors la phase de brassage.
Le tri et le lavage
Cette première opération est indispensable pour débarrasser les pommes de leurs salissures (terre, herbe, feuilles...) et réaliser un cidre de qualité. Il est nécessaire aussi d’effectuer un tri dans les fruits et d’éliminer systématiquement les fruits présentant toutes traces de pourritures et de moisissures, ainsi que les fruits trop abîmés. Les fruits sont présentés et triés sur une goulotte, puis ils tombent dans le bain d’eau du broyeur. Ils sont ainsi débarrassés des salissures. Une vis sans fin les arrache de l’eau et les monte jusqu’à la râpe, à une hauteur de 3m environ. Cette action a aussi pour effet de les égoutter tout au long de la montée.
Le broyage
Pour obtenir un bon rendement lors du pressage, il faut broyer les pommes en une pulpe fine et régulière, sans pour autant les transformer en bouillie. La râpe cylindrique du broyeur permet d’obtenir cette pulpe. La râpe, placée en hauteur, dépose la pulpe dans une trémie déportée juste au dessus de l’un des plateaux du pressoir ; ce qui permet au cidrier, en actionnant un levier ouvrant une trappe, de déverser la pulpe directement sur le pressoir.
Le pressage
C’est l’opération de transformation de la pulpe en jus. Le pressage est pratiqué avec une presse hydraulique double, présentant deux plateaux tournant autour d’un axe, et permettant un travail en continu. La pulpe est donc disposée sur le plateau de pressage, dans des toiles extrêmement résistantes, entre lesquelles viennent se glisser des claies en bois (en frêne, pour sa souplesse à la pression). Onze lits successifs de 10 à 12 cm d’épaisseur sont donc empilés les uns sur les autres. Une fois ce "gâteau" de onze étages terminé, on fait pivoter les plateaux autour de l’axe central de façon à ce que le plateau où se trouve le gâteau soit mis en pression. Ceci permet de commencer tout de suite le montage d’un nouveau gâteau sur l’autre plateau, et ainsi de suite. Un moteur électrique alimente une pompe hydraulique, et de l’eau sous pression fait monter un piston qui soulève le plateau afin de venir le presser contre le dessus du pressoir. Le gâteau est lentement pressé (il faut environ 25 minutes pour chaque pressée). Le pressoir utilisé est une presse de 55 tonnes, qui applique une pression de 200 bars sur le gâteau. La quantité de jus récoltée à chaque pressée est variable (selon la variété des pommes) mais est en moyenne de 180 litres. Le jus est immédiatement pompé et transféré dans des cuves de 2000 litres, stockées dans l’autre partie de la cidrerie.
Seconde phase, l’élaboration
Le pressage terminé, le moût est, à cette étape de l’élaboration, stocké en cuves. C’est le début d’une nouvelle phase de travail pour le cidrier.
La défécation/ Le chapeau brun
Ce vocable étonnant désigne l’épuration naturelle du moût avant la fermentation (celle ci ne commençant, en effet, pas immédiatement). Au cours de ce phénomène, les matières pectiques du moût se coagulent sous l’effet d’un enzyme, entraînant dans leur masse des matières azotées. Ces lies se lient entre elles tout en remontant vers la surface de la cuve sous l’effet du gaz carbonique qu’elles contiennent, pour former une sorte de croûte que l’on appelle le chapeau brun. Cette épuration naturelle élimine les bactéries et les moisissures qui sont fixées dans les lies. Cette opération peut prendre des temps tout à fait différents selon les variétés de pommes utilisées, mais aussi et surtout selon les conditions atmosphériques. De moins de 24 heures aux températures les plus douces, le chapeau brun peut mettre plusieurs semaines à monter par un temps très froid. Une fois que le chapeau brun est bien compacté à la surface, et juste avant que la fermentation ne commence (ce qui aurait pour effet de détruire cette croûte de surface), le cidrier doit effectuer le premier soutirage. On transvase donc le cidre clair contenu sous ce chapeau dans une autre cuve.
Les soutirages et filtrages
Tout l’art du cidrier consiste à maintenant contrôler la fermentation du cidre et donc gérer la chute de la densité de celui-ci (le sucre se transformant en alcool, le cidre va perdre en densité tout au long de son élaboration, jusqu’à atteindre un niveau de stabilité à la date de la mise en bouteille). L’idéal étant d’obtenir une chute lente et progressive de cette densité, il faut donc jouer sur la population de levures présente dans le cidre pour ralentir la fermentation. On utilise deux techniques :
Le soutirage
Le soutirage consiste à transvaser le cidre d’une cuve à une autre en laissant les lies (le fond de cuve) de côté, pour éliminer une partie des levures qui y sont contenues. Méthode traditionnelle pour clarifier le cidre, le soutirage se pratiquait "par gravité", en surélevant le fût rempli par raport au nouveau. Cette technique est efficace mais reste très aléatoire, car extrêmement dépendante des conditions météorologiques (cette action n’est efficace qu’en présence de pressions atmosphériques élevées, qui vont faire se déposer les lies dans le fond de la cuve). Les contraintes que cela représente pour une production professionnelle de cidre font privilégier la filtration sur le soutirage.
La filtration
La filtration consiste à forcer le passage du cidre au travers d’un filtre composé d’une pompe et de 20 plaques de cellulose de grain plus ou moins gros, selon que l’on veuille réduire considérablement ou pas le nombre de levures. Les levures se trouvent bloquées dans les plaques et le cidre en ressort clarifié.
La fermentation
L’élaboration d’un cidre limpide avec une bonne teneur en alcool, une belle robe, et des arômes et parfums s’exprimant pleinement nécessite une conduite très suivie de la fermentation. Celle-ci doit se faire lentement, à l’abri de l’air, dans une pièce à température maîtrisée (de préférence entre 8 et 12°C). Si les cuves sont laissées ouvertes pour la montée du chapeau brun, elles sont fermées hermétiquement dès le début de la fermentation (grâce à un système de chapeau flottant s’adaptant au volume contenu). Seule une bonde aseptique au centre du chapeau permet au gaz carbonique de s’échapper sans que l’air vienne altérer le cidre. La prise de la densité doit être régulière, pour pouvoir réagir sereinement à toute situation (filtration, soutirage...). La fermentation dure de 3 à 5 mois, un cidre pressé en novembre pourra être mis en bouteille en février-mars par exemple.
Assemblages
Les assemblages représentent la dernière phase avant la mise en bouteille du cidre. Les cidres contenus dans les cuves sont rarement, dès le pressage, composés des proportions voulues de pommes amères, de pommes acidulées, de pommes douces-amères et de pommes douces ; c’est à ce moment que l’on va "corriger" ces manques, en procédant à des assemblages (mélanges) qui sont aussi l’occasion de donner la touche finale au produit, afin qu’il présente le meilleur équilibre possible.
La mise en bouteille
La mise en bouteille intervient dès que les mesures régulières des densités indiquent une stabilité. Au besoin, une ultime filtration du cidre avec un grain très fin peut s’avérer nécessaire. Les bouteilles sont remplies par une machine évitant tout contact du cidre avec l’air, bouchées, puis muselées. Il faudra encore attendre plusieurs semaines avant de pouvoir consommer le cidre ; c’est le temps de la prise de mousse. En effet, à sa mise en bouteille, le cidre n’est pas encore pétillant. Son effervescence, naturelle, provient d’une très légère et ultime refermentation en bouteille (le cidre perd, lors de la prise de mousse entre 1 et 2 points de densité). Les bouteilles sont ensuite étiquetées.
La conservation
Le cidre se conserve debout (à la différence du vin), dans une cave fraîche et ventilée. La durée de conservation varie, mais en règle générale un cidre se consomme dans l’année qui suit sa mise en bouteille, mais les cuvées de bonne qualité supportent sans dommage plusieurs années de vieillissement.